samedi 2 octobre 2010

Peindre la musique: l'Extase de Sainte Cécile, ce tableau de Raphaël qui plut à Stendhal

Stendhal en Italie
"Un voyage en Italie est une succession ininterrompue de moments délicieux", écrit Stendhal. Il a 17 ans en 1800, il entre en Italie comme Inspecteur des revues parmi les troupes napoléoniennes et s'y installe ensuite en sous-lieutenant. La même année, lors d'une mission à Milan, il  rencontre son grand amour Angela Pietragrua. Puis, il n'a de cesse de revenir dans ce pays, à la recherche d'un temps perdu.

Bologne n'a pas la place qu'occupe Milan dans son cœur, mais il en garde une belle impression, celle d'une "ville de gens d'esprits", où il trouve "le genre de vie convenable à [s]es goûts et aux plaisirs qu'offre le pays". Il n'y séjourne que quelques jours, mais se laisse à lui consacrer un mois entier des impressions de voyage qu'il recueille dans Rome, Naples et Florence.

Au long de ce récit, il revient souvent aux grands peintres bolonais que sont le Dominiquin, les Carrache ou le Guide, dans une ville où il se plaît à parler peinture avec son cordonnier. Un tableau de Raphaël  le séduit également, devant lequel il s'assoit "dès que j'ai une demi-heure": l'Extase de Sainte Cécile.

Sainte Cécile et la musique
L'histoire de Sainte Cécile est une affaire somme toute banale: chrétienne au IIIè siècle, elle trouve le temps, avant de mourir sous la hâche du boureau, de:
  • faire un voeu de virginité
  • être mariée de force par ces parents à un certain Valérien (sans rapport avec le Mont)
  • convaincre Valérien de la laisser respecter son voeu (Valérien, après tout, ne valait pas rien)
  • convertir Valérien et son frère au christianisme
  • mourir en trois coups de hâche et une séance de sauna
Mais surtout, il se trouve qu'à un moment ou l'autre elle chanta: certains disent lors de ses noces, d'autres au moment de mourir. Martyr, elle devint sainte patronne des musiciens et des fabricants d'instruments. On la représente souvent un orgue à la main.

Quand Raphaël peint Cécile
L'Extase de Sainte Cécile est un tableau étrange, plus qu'il n'y paraît à première vue. C'est un tableau qui semble sans perspective, sans les usuelles lignes de fuite: quatre personnages se massent autour de Cécile, sous un chœur d'anges.
Il faut regarder un moment le tableau avant d'en voir se détacher les masses structurantes: à gauche, Paul est en rouge et vert, couleurs complémentaires. De même, à droite, Marie-Madeleine qui nous fixe de son regard est en blanc éclatant, bleu et rose. Au centre, Cécile et Augustin (à sa gauche) sont habillés d'un jaune relevé d'un bleu sombre qui le fait ressortir.

La division du tableau en trois pans est soutenue par des lignes de force: à gauche, l'épée que tient Paul, et à droite la crosse que tient Augustin. Cette division verticale est complétée par une grande ligne diagonale, qui suit le regard de Paul, descend le long de son avant-bras replié, se poursuit par l'avant-bras de Cécile, le grand côté de son orgue et, finalement, le pli de la toge qui couvre le mollet plié de Marie-Madeleine et où le blanc et un bleu sombre s'opposent.
Ces trois lignes définissent deux zones triangulaires: une zone "terrestre", vers laquelle Paul regarde. Elle est jonchée d'instruments de musique brisés. Et inversement, vers le haut, une zone "céleste", qui mène au chœur d'anges en suivant le regard de Cécile.

L'horizon est marqué par l'échange de regards en Jean l'Evangéliste et Augustin, ainsi qu'une ligne peu distincte d'arbres sombres.

Quant à Marie-Madeleine, sa position est très particulière, presque en dehors du tableau: sa toge, très contrastée, dessine une ligne verticale, qui double celle de la crosse d'Augustin. Si les trois hommes semblent absorbés, le regard de Marie-Madeleine nous fixe, nous interpelle, nous invite à entrer dans la scène.

Peindre la musique
Scène intérieure, recueillie, et vibrante pourtant, où nous sommes pris entre la musique du monde terrestre aux instruments épars, et le regard délicat de Cécile en extase qui nous emmène vers une musique angevine.

Liszt, dans sa "Lettre d'un bachelier ès musique", voyait dans la Sainte Cécile de Raphaël  "le symbole de la musique à son plus haut degré de puissance" et dans les quatre personnages les différents effets que la musique exerce sur les hommes.

Ici, la peinture s'efface devant le son. Pas un mot, pas un geste, le temps est suspendu à la musique des cieux.

mercredi 29 septembre 2010

Kenneth Waltz, armes nucléaire, optimisme et paix mondiale

Mardi dernier, Kenneth Waltz donnait une conférence sur la théorie de dissuasion (nucléaire) rationnelle. J'étais dans l'assistance.

Enseignement n°1: Kenneth Waltz est un optimiste. Je ne suis pas sûr que cela inclue ses relations familiales, mais cela semblait signifier qu'entre une bombe à moitié pleine et une bombe à moitié vide, il choisit la bombe à moitié pleine.

Enseignement n°2: Les armes nucléaires garantissent la paix dans le monde. Comme il l'écrit dans son ouvrage The Spread of Nuclear Weapons: More May Better, « The presence of nuclear weapons makes wars less likely ». Il appuie son argumentation sur le fait, indéniable, qu'aucune guerre notable n'a opposé deux puissances nucléaires, et, incidemment, que nous sommes toujours vivants. Admirons la prudence du "less".

Enseignement n°3: Mieux, les ogives font des gens bien. Donnez un missile nucléaire à un voyou ou un Etat-voyou, illico il se range et devient sage. La preuve: des Méchants l'ont, ils ne l'utilisent pas pour autant.

Enseignement n°4: Et pour ceux qui craignent une attaque terroriste sporadique, qu'ils se rassurent! Contrairement au facteur, le terroriste, lui, ne frappe qu'une fois.

Après ces belles paroles, je m'en suis retourné tout songeur. La paix universelle était à portée de main.

Puis, j'ai compris la blague. C'était en fait un simple exercice mathématique. Le but était de démontrer l'axiome suivant: "les armes nucléaires garantissent la paix dans le monde".  

La démonstration de Kenneth Waltz est assez directe: il constate qu'effectivement aucune guerre notable n'a opposé deux Etats en possession de l'arme nucléaire.

Puis, l'axiome "ça s'est toujours passé comme ça, donc si ça ne change pas trop ,ça va continuer comme ça" lui permet d'assurer que les armes nucléaires ont pacifié le monde, et vont continuer à le pacifier.

Il prend soin de préciser qu'il pourrait être dangereux qu'un trop grand nombre d'Etats entre en possession de l'arme nucléaire. Evidemment, ce serait un changement.

A présent, par souci de diversité, je vous propose une autre démonstration.

1. S'il y a une seule puissance nucléaire, personne ne sera assez fou pour lui faire la guerre. Si les Japonais se sont arrêtés, c'est bien la preuve.

2. S'il y a au moins deux puissances nucléaires (avec capacité de seconde frappe), tout  conflit notable (impliquant une menace des intérêts vitaux) entre deux puissances nucléaires implique que la première finit par atomiser la seconde, qui en retour atomise la première. On est tous morts.

3.Si nous mourrons tous, la théorie de la dissuasion nucléaire disparaît de fait.

Conclusion: soyez optimistes! Vous pouvez affirmer en toute sûreté, et sans le moindre risque d'être démenti par les faits, que:

"Oui, Mesdames et Messieurs, les armes nucléaires ont pacifié le monde: pas un conflit notable n'a opposé deux puissances nucléaires.

"Soyons donc confiants et optimistes, et crions tous en cœur: Vive le nucléaire!"

Puis, en vous retournant (hors micro bien sûr): "Nous serons morts avant d'avoir tort."

dimanche 26 septembre 2010

Test

Ceci est un message de test, comme on le voit bien.